FLA9
Irne Tamba LĠukemi-passif en japonais: le
mtissage dĠun concept grammatical
Travaux de linguistique contrastive
franco-japonaise 1994 pp. 215-235
Texte (vid au ¤)
LĠUKEMI-PASSIF EN JAPONAIS:
LE MTISSAGE DĠUN CONCEPT GRAMMATICAL
Irne
TAMBA
要旨
受動態(passif)は西洋諸語の文法観念であり、明治以前の日本語研究の中に明確に存在していた観念ではない。日本語の受け身という観念の基本はreceptifというべきものであり、それは「られる」という文法形式に深く結びついた考えである。本校ではreceptif という観念を検討し、それがいかにしてpassif と「混血」した文法観念として受け入れられpassif = receptifという等式を錯覚するに至ったかを論じる。
Introduction
¤1 A
la question: Òla notion grammaticale de passif existe-t-elle en japonais ?
les informateurs rpondent sans hsitation: ÒBien sr, cĠest ce quĠon appelle ukemi.Ó. La consultation des dictionnaires bilingues confirme cette
rponse : tous traduisent ukemi par passif et vice versa. Pourtant, en dpit dĠune telle unanimit, qui, nous
allons le voir, relve du trompe-lĠÏil de la traduction, cette quivalence est
loin dĠaller de soi. Aussi nous proposons-nous dans le prsent article
dĠexaminer de plus prs les rapports quĠentretiennent ces deux notions. Ce qui
nous conduira, sinon rsoudre, du moins formuler les principales
difficults que soulvent la comparaison et lĠunification de concepts
grammaticaux issus de langues et de traditions linguistiques diffrentes.
I. Approche terminologique :
passif et ukemi
¤2 Examinons, pour commencer, quelques donnes
terminologiques. En franais, lĠappellation courante est passif .Il sĠagit dĠun vocable rgulirement form
sur le patron des termes grammaticaux franais en –if., la fois adjectif et nom. En japonais, le
terme consacr est ukemi.
[É] Par ailleurs, contrairement passif, le nom ukemi nĠentre dans aucune formation morphologique propre
la terminologie grammaticale japonaise. CĠest en effet le seul exemple de terme
finale en –mi.
¤3 Seconde diffrence : en franais, passif est obligatoirement li son complmentaire actif par une relation dĠopposition privative. Ce qui implique, si lĠon suit Lyons (1978 :226), quĠactif Òdnote une proprit positiveÒ et passif lĠabsence de cette proprit. Or, É [É] L'appariement de ces termes met plutt en jeu une opposition quipollente, dfinie par J. Lyons comme "une relation dans laquelle chacun des lexmes en contraste dnote une proprit positive, par exemple 'mle': 'femelle' " (1978: 226).
¤4 Le dcalage entre la structure oppositive du couple actif / passif et celle de sa contrepartie japonaise hatarakikake / u kemi retentit ds le dpart sur la traduction. [É] Cette hypothse est conforte par le fait que ju ne se retrouve ni dans la terminologie grammaticale corenne ni dans les traductions des linguistes chinois, o cĠest le caractre / 被/ qui a t retenu pour indiquer le passif.
¤5 LĠopposition quipollente sur laquelle repose le
couple hatarakikake / ukemi
a galement jou un rle dcisif dans lĠvolution ultrieure de la
terminologie. [É] Pour enregistrer un tel dplacement terminologique, nous
proposons de rserver le terme de passif au
membre du couple actif-passif
et dĠappeler rceptif la
notion autonome que les Japonais nomment ukemi.
¤6 Enfin, du fait quĠils ne reposent pas sur le mme type
dĠopposition, les termes de passif et de rceptif- ukemi convoient des reprsentations smantiques diffrentes, qui peuvent
tre sources dĠquivoque dans le passage dĠune langue lĠautre. [É] Ainsi la rceptivit renvoie-t-elle un comportement qui se
situe, axiologiquement, aux antipodes de la passivit, dans le sens occidental du terme, bien que rcepteur et patient aient en commun dĠtre tous deux en position de
destinataire.
¤7 Il ressort de ce rapide survol que le terme de passif sĠest implant au Japon au prix dĠun ddoublement. Soit il est rendu au moyen de dnominations sino-japonaises de facture savante :É.Soit il trouve un quivalent partiel dans le terme dĠukemi. Ce dernier sert en effet dsigner non seulement le paradigme verbal form lĠaide du morphme – (r)are- mais aussi une des valeurs caractristiques de ce morphme qui concide avec celle de passif.
¤8
Tant que ces deux systmes terminologiques restent cantonns dans leur domaine
dĠusage respectif, il nĠest pas gnant de passer de lĠun lĠautre. Mais les
choses se compliquent ds que lĠon entreprend une tude contrastive ou
typologique qui entrane des interfrences incontrles, entre ces deux
terminologies.
II. Approche contrastive des catgories
dĠukemi
et de passif
II. 1. Les
points de convergence entre la phrase passive type du franais et son
quivalent japonais
¤9 Considrons les deux exemples suivants, souvent utiliss dans les grammaires pour illustrer la dfinition de la phrase passive :
1) un chat a
poursuivi une souris
2) une souris a
t poursuivie par un chat
1Ġ) neko ga
nezumi wo oikaketa (koto) 1
chat PS souris PO a
poursuivi (le fait que)
un chat a poursuivi
une souris
2Ġ) nezumi ga
neko ni oikakerareta (koto)
souris PS chat PAg
a t poursuivi (le fait que)
une souris a t
poursuivie par un chat
Afin
de couper court aux critiques en porte--faux 1 concernant le peu de
naturel de ces phrases, on rappellera, au pralable, quĠil ne sĠagit pas
dĠnoncs attests ou attestables, mais dĠartefacts de grammairien, labors en quelque sorte in vitro, dĠaprs un schma thorique de la phrase
passive.
¤10 Si lĠon compare ces deux paires dÔexemples Ò
idalissÒ la lumire de la dfinition canonique de la phrase passive quĠils
sont censs illustrer, on est frapp par lĠtonnante homologie de leur
structure.
¤11 CĠest dĠabord la liaison systmatique dĠune phrase passive son corrlat actif que met en vidence, dans chaque langue, le couplage de deux noncs construits avec le mme matriau lexical et voquant une mme vnement: en lĠoccurrence, la poursuite dĠune souris par un chat.
¤12 En second lieu, lĠopposition entre une phrase passive
et sa correspondante active, en japonais comme en franais, sur les trois mmes
ensembles de proprits morpho-syntaxiques : 1)É ;2)É ;3)É
¤13 La correspondance quĠon ne peut manquer de relever entre ces formulations conduit poser lĠexistence dĠune mme structure grammaticale, appele passif en franais et ukemi en japonais. A ne considrer que ces paires dĠexemples, il apparat donc tout fait lgitime de traduire passif par ukemi et vice versa, puisque les deux termes renvoient des constructions semblables dans chaque langue. Mais, ds que lĠon largit le cadre de comparaison, on ne peut manquer de relever des discordances non moins indniables, entre passif et rceptif, ce qui remet en cause leur quivalence, sinon ponctuelle, du moins globale.
II. 2. Les
points de divergence entre passif et rceptif
¤ 14
Pour la commodit de lĠexpos, on
distinguera deux groupes de divergences entre rceptif et passif. LĠun tient des interfrences entre les acceptions
morphologiques et smantiques du terme ukemi. LĠautre relve de la dfinition mme de passif et
rceptif.
¤15 Le premier groupe de divergences est d au glissement
de la valeur dite ukemi (rceptif)
la forme verbale en –(r)are – nomme ukemi. [É] DĠo la tendance assimiler la forme en
V –(r)are – du japonais celle en tre + participe pass (dsormais V-) de la voix passive du franais. Ce qui est
doublement abusif, car on reconnat ces formes dĠautres valeurs, spcifiques
chacune dĠelle.
¤16
Commenons par la forme V (r)are.
On lui attribue, en rgle gnrale, trois interprtations rgulires ct de
celle de rceptif. Ce sont, pour mmoire :
I la valeur dite de jihatsu É quĠillustre la paire dĠexemples ci-dessous :
3) michi wo sugu
omoidashita
[É]
jĠai aussitt
reconnu le chemin
3Ġ) michi ga
sugu omoidasareta
[É]
je me suis aussitt souvenu du chemin
II la valeur dite de kan É
4) michi wo
omoidasanai
[É]
je ne me souviens
pas du chemin
4Ġ) michi ga
omoidasarenai
[É]
je nĠarrive pas
me rappeler le chemin
III la valeur dite de sonkei É
5) sensei ga
shujutsu wo uketa
[É]
le professeur a
subi une opration chirurgicale
5Ġ) sensei wa
shujutsu wo ukeraremashita ka
[É]
Monsieur le
Professeur avez-vous subi une opration chirurgicale ?
¤17 A priori il peut paratre facile dĠviter les
confusionsÉ[É]. C'est ainsi que Yoshida Kanehiko (1971 : 121-122) rsume la question en
opposant deux hypothses concurrentes. La premire, qu'il rejette, est due Yamada Yoshio(1873-1958) É La seconde
que Yoshida adopte, remonte Hashimoto Shinkichi (1882-1945) [É]. On ne saurait donc traiter part la valeur
de rceptif, en la sparant arbitrairement de lĠensemble des interprtations
attaches la forme V- rare-.
¤18 Si, prsent, on passe la forme du franais en tre
+ Vp, on rencontre des
difficults du mme ordre. Il est en effet bien connu que tre + Vp sert former non seulement la voix passive
mais aussi le pass compos actif des verbes pronominaux (par ex. je mĠen
suis aperu hier soir) et des
verbes intransitifs perfectifs (par ex. elle est sortie hier soir). [É]. CĠest en fonction
des dterminations quĠapportent le type des verbes avec lesquels elle sĠemploie
et la configuration discursive o elle apparat, que sĠopre la slection de
lĠune ou lĠautre valeur.
¤19 On voit par l combien il est malais de dissocier
les diverses interprtations respectivement attaches aux formes V (r)are et tre + Vp, et, du mme coup, ce quĠil y a dĠarbitraire dans la
comparaison dĠune valeur isole de chaque forme.
¤20 Le second groupe de divergences se situe au niveau
des notions mmes de rceptif et de passif. [É] Et, comble
dĠironie, les proprits fondamentales du rceptif indirect vont lĠencontre
de la dfinition mme du passif, comme nous nous proposons de le montrer
travers un exemple.
¤21 Considrons donc les deux noncs suivants :
6) akachan ga
naita
[É]
le
bb a pleur
6Ġ) haha wa
akachan ni nakareta
[É]
ma mre a t importune par les pleurs du bb
¤22 Premier trait caractristique : la forme en V-rare- prsente un vnement conjointement
lĠaffect dplaisant quĠen ressent quelquĠun. Il se diffrencie par l du rceptif
direct comme du passif franais, tous deux neutres vis vis du caractre
bnfique ou malfique de la relation que subit le patient.
¤23 Second trait caractristique : lĠadjonction, en
position de sujet ou de thme dĠun GN supplmentaire, ici haha (maman). Ce GNÉ[É] Le
passif, au contraire, permet la rduction dĠun GN en rendant facultative la
mention dĠun des protagonistes directement impliqu dans le procs, savoir
lĠagent.
¤24 Troisime trait caractristique : le rceptif indirect en V-are- peut se rencontrer aussi bien avec des verbes intransitifs comme naku (pleurer) quĠavec des verbes transitifs, accompagns dĠun complment dĠobjet en wo (ou ni), comme le montrent les exemples ci-dessous :
7) suri ga haha no saif wo sutta
[É]
un
pickpocket a subtilis le porte-monnaie de ma mre
7Ġ) haha wa suri ni saif wo surareta
[É]
ma
mre sĠest fait subtiliser son porte-monnaie par un pickpocket
¤25 De telles constructions sont proscrites par la
dfinition mme de la phrase passive. Celle-ci exige en effet un verbe
transitif et ne tolre pas la prsence dĠun COD, dans la mesure o elle se
caractrise prcisment par la promotion du COD du verbe actif au rang de sujet
du verbe passif.
¤26 Cette description, pour sommaire quĠelle soit, montre que le rceptif indirect ou adversatif transgresse les trois principales clauses qui servent dfinir le passif franais, et le rceptif direct japonais : la transitivit, le passage de lĠobjet direct la position de sujet, le recul de lĠagent au rang de complment facultatif.
¤27
La comparaison du rceptif japonais et du passif franais conduit donc une
double conclusion. Il apparat clairement dĠune part quĠil existe une
quivalence partielle et non globale entre les emplois et le sens des formes V-rare- et tre V-p ; et dĠautre part que
lĠunit interne de la catgorie japonaise de rceptif est menace par le trop
grand antagonisme qui oppose ses deux types constitutifs, rceptif direct et
indirect. Tels nous semblent tre les facteurs, la fois internes et externes,
qui ont contribu dans un premier temps dstabiliser la notion de rceptif,
puis, dans un second temps laborer une nouvelle catgorie dĠukemi-passif, suivant un processus complexe de mtissage smantico-syntaxique, dont
nous essaierons, pour terminer, dĠesquisser les grandes tapes.
III. Formation de la catgorie mtisse
du rceptif-passif
III. 1 Amalgame
des notions de transitif/intransitif et de ji/ta
¤28 Pour
les grammairiens occidentaux, le passif est troitement li la notion de transitif. En franais, par exemple, il est gnralement admis que la
passivation est lie au statut ÒtransitifÓ du verbe. Or les notions de transitif/intransitif sont trangres la tradition grammaticale dĠorigine japonaise. Quand
donc, la fin du 19e sicle, les grammairiens japonais ont introduit le couple
terminologique transitif / intransitif , ils lĠont
rapproch dĠune dichotomie qui leur tait plus familire: celle entre ji (自, soi) et
ta (他, autre).
Ils ont ainsi forg deux composs nologiques, ji-dshi et ta-dshi en spcifiant la notion de
verbe (dshi) au moyen de la paire antonymique : ji/ta. Et ces termes sont devenus aujourd'hui, en tant que mots de
traduction, les quivalents strotyps de verbe
transitif / intransitif.
¤29 Mais la confusion a commenc quand, paralllement, OOTSUKI Fumihiko (1847-1928) a appliqu cette classification aux verbes japonais. A cet effet, il a trait les particules postnominales ga et o comme les indices respectifs des fonctions de sujet et d'objet direct. Il a pu de la sorte distinguer deux types de construction: l'une, caractristique des verbes transitifs ou tadshi, repose sur le schma structurel: GN1+ga, GN2+wo, V, (cf. ex. 1: oikakeru, poursuivre): l'autre, propre aux verbes intransitifs ou jidshi repose sur le schma GN1+ga, V, (cf. ex.6: naku, pleurer). Par ailleurs, OOTSUKI associe cette dfinition syntaxique de la transitivit, transpose des grammaires occidentales, une interprtation smantique, issue, elle, du schme classificatoire japonais en ji / ta. Ce qui l'amne poser que "les verbes transitifs dnotent une action qui influe sur un objet ou tat de choses externe" tandis que "les verbes intransitifs dsignent une action qui se produit de son propre mouvement et pour elle-mme" (K-nihon-bunten (1897)).
¤30 Or comme Yamada Yoshio (1873-1958) n'a pas tard le remarquer, une telle opposition entre transitif et intransitif ne rsiste gure l'preuve des faits o elle rencontre trois obstacles majeurs. Le premier est que la passivation des verbes n'est pas concerne par l'opposition entre transitif / intransitif. Le second est que la prsence d'un GN+wo n'est pas le signe automatique d'une construction intransitive, indiquant la vise d'un objet-cible, mais peut marquer la simple spcification du procs, comme c'est souvent le cas avec les verbes intransitifs de dplacement (cf. gakk wo deru; sortir de l'cole). Car les particules postnominales ga, wo, ni consignent moins une relation smantique prcise qu'un rapport de dtermination entre un groupe nominal et un verbe. Le troisime est qu'il n'y a pas toujours une correspondance rgulire entre construction et signification transitive ou intransitive. Au terme de cet examen critique, Yamada proscrit donc l'usage des notions de transitif /intransitif qui ne lui semblent pas des outils adquats pour dcrire le systme verbal japonais.
¤31 Pour d'autres linguistes cependant, il existe bien en japonais deux types de verbes, qu'ils continuent d'appeler jidshi et tadshi mais qu'ils redfinissent sur des bases morpho-syntaxiques et smantiques plus solides. Quels rapports entretient cette nouvelle dichotomie, largement admise aujourd'hui, avec les notions de rceptif et passif? C'est le dernier point qu'il nous reste examiner ici.
III.2. La
catgorisation ji/ta
et le rceptif-passif
¤32 LĠopposition des verbes de type ji (ou endogne) et de type ta (ou exogne) courante de nos jours dans les dictionnaires et les grammaires du japonais, repose sur un ensemble de proprits morphologiques, syntaxiques et smantiques, dont nous essaierons de voir les points dĠintersection avec certains traits dfinitoires du rceptif et du passif.
¤33 Deux
caractristiques morphologiques retiendront tout dĠabord notre attention. La
premire est que lĠopposition ji/ta É. [É]. Aussi
les considre-t-on comme des formants radicaux, portant sur la notion lexicale,
et non comme des suffixes fonctionnels, porte propositionnelle, relevant du
systme de la conjugaison.
¤34 La seconde est la coexistence de trois patrons de drivation morphologique. Soit les paires de verbes ji/ta sĠopposent par une variation vocalique de leur dernire syllabe radicale, par exemple de la racine kim- (dcider) on drive un verbe ji / endogne kimA-ru (qqch. est dcid) et un verbe ta /exogne kimE-ru (dcider qqch.). Soit ils sĠopposent par une alternance r/s de la consonne initiale du suffixe : par exemple, de la racine noko- (laisser) on drive un verbe ji noko-Ru (qqch. reste) et un verbe ta noko-Su (laisser qqch.). Soit, par les deux procds la fois : par exemple, de la racine ni- (fuir) on drive un verbe ji nigE-Ru (sĠenfuir) et un verbe ta nigA-Su (relcher).
¤35
Ces quelques indications 3 mettent en vidence un certain
paralllisme morphologique entre le suffixe de drivs endognes (ji) initiale /R/ et et celui du rceptif – (R)aRe- dĠun ct et
le suffixe des drivs exognes (ta) initiale /S/ et celui de factitif
–(S)aSe- de lĠautre. [É] DĠun point de vue contrastif enfin, il est ais
de voir que les verbes transitifs/intransitifs du franais ne partagent aucune
des caractristiques morphologiques des verbes japonais ji/ta : ni ils ne
constituent des paires lexicales
(dont on trouverait plutt un quivalent dans le couplage dĠun verbe simple au
pronominal correspondant), tout verbe tant par dfinition transitif ou
intransitif, ou plus rarement neutre ; ni il nĠexiste une quelconque
analogie entre les formes de transitif/intransitif et de factitif/passif.
¤36 La diffrenciation entre les verbes endognes (ji) et exognes (ta) sĠappuie galement sur des proprits syntaxiques
spcifiques.[É]Si, par exemple, lĠemploi dĠun verbe de type ji rend agrammaticales les tournures 8), 9),
proposes patr Hayatsu Emiko (1987 :
90-91), il suffit de recourir au verbe appari de type ta pour obtenir les noncs bien forms 8Ġ) et
9Ġ) :
*8) kimari-nasai
[É]
8Ġ) kime-nasai
[É]
dcide
*9) kimatte miru
[É]
9Ġ) kimete miru
[É]
dcidons
voir
¤37 DĠautre part, les verbes ji et ta sont lis des structures
syntaxiques diffrentes. Sans entrer dans le dtail, nous nous bornerons ici
dgager le schma standard associ chaque type de verbe. Soit, un schma de
prdicat verbal unaire une place dĠargument nominal, de forme GN+ga, pour les les verbes
endognes (ji) ; et un schma de prdicat verbal binaire deux places dĠarguments nominaux
ordonns, de forme GN+ga et GN+wo pour les verbes exognes
(ta). Selon ce double
patron, on aura, par exemple, les noncs suivants avec la paire de verbes kimaru (ji) et kimeru (ta) ;
10) shiken no hi
ga kimatta
[É]
la date de lĠexamen
est fixe
10Ġ) sensei ga
shiken no hi wo kimeta
[É]
le professeur a
fix la date de lĠexamen
¤38 Par ailleurs, il est dĠusage de corrler ces proprits syntaxiques des proprits smantiques rgulires. [É] Mais les verbes ji autonomesÉchappent ces restrictions.
¤39 Quant aux structures syntaxiques de base, on leur reconnat, en rgle gnrale, les interprtations smantiques suivantes. [É] DĠo il ressort que : 1) la particule postnominale ga est compatible avec des GN jouant des rles smantiques diffrentsÉ 2) que le GN + woÉ correspondÉ
¤40 Si lĠon compare les structures syntaxiques typiques des verbes japonais ji/ta celle des verbes transitifs/intransitifs des langues occidentales, on comprend sans peine quĠon ait É[É] CependantÉ. CarÉ. Sans douteÉ. Or, en franais, cette diffrence de rle smantique nĠintervient pas dans la dfinition de lĠintransitivit, mme si elle est aujourdĠhui reconnue, travers les travaux de Perlmutter (1983) ou Burzio (1986).
¤41 En assimilant la distinction entre verbe ji et ta celle entre verbes transitifs et intransitifs, on est donc amen mconnatre la spcificit des notions japonaises et conclure, de manire paradoxale, que le passif franais est li la transitivit et le passif japonais lĠintransitivit. Or, É Deux exemples suffiront le montrer.
¤42
Nous retiendrons tout dĠabord la solution prsente par Mikami Akira (1972 : 99-112). [É] Et la troisime, consquence
des deux prcdentes, est que la problmatique de la voix, importe de la tradition occidentale, gagne tre repense la
lumire de lĠancienne dichotomie autochtone ji/ta,
dĠaprs lĠusage systmatique quĠen ont fait notamment Motoori Haruniwa (1828) et, sa suite, les philologues de
lĠpoque Edo.
¤43 Une autre solution, qui tend se gnraliser aujourdĠhuiÉ, est celle quĠexpose en dtail Teramura Hideo (1982 :205-322). [É]. Relvent du niveau grammatical les diffrents suffixes auxiliaires verbaux, tels –(r)are-, dont la porte propositionnelle se manifeste par la configuration syntaxique et smantique des arguments ou encore par des procdures dĠenchssement ou dĠenchanement de deux propositions. Ainsi, sans tenir compte de la dimension suffixale ou phrastique de la passivation, distinguera-t-on un passif adversatif en –(r)are- et un passif bnfactif en V1-te+ morau.Par exemple, Masuoka Takashi (1991 :112-5) oppose :
8) Hanako
wa sensei ni shikarareta
[É]
Hanako sĠest fait gronder par sa matresse
9) Tar wa sensei ni homete moratta
[É]
Tar a reu (avec joie) les flicitations de son matre
¤44 Dans cette optique, le paralllisme et les divergences entre les expressions de la diathse sont imputs leur seul niveau de construction, lexical ou grammatical. Et comme ces deux types de formation passive coexistent dans de nombreuses languesÉla dfinition de la phrase passive comme le renversement de dĠune phrase active perd son monopole et devient une varit dĠexpression de la diathse, intgrable dans une conception plus ouverte de la passivation, dont Roggero (1984) montre bien lĠintrt pour le franais, Lazard et les auteurs des cahiers Actances 1-4 (1985-89) pour la comparaison des langues, et Descls (1990), pour une reprsentation typologique formelle.
Conclusion
¤ 45 Au terme de ce priple, il apparat clairement que la notion occidentale de passif est aujourdĠhui ÒnaturaliseÓ au Japon. Mais en se greffant sur la notion autochtone de rceptif, elle a donn naissance une nouvelle catgorie grammaticale mtisse, lĠukemi-passif 4.
(EHESS, Paris)
Rfrences bibliographiques des documents cits
[18 ref 17 auteurs]
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[Notes]
[4 notes]